Un nouveau voyage [pv. Neda]

Vincent avait voyagé longtemps, très longtemps. Il avait traversé plaines, montagnes, forêts, villes et plateaux sans s'arrêter, mais il n'en ressentait aucune fatigue. Et son corps pourrait encore endurer ainsi le même traitement pendant de nombreux kilomètres encore. A vrai dire, il airait sans but précis, juste pour marcher et tuer le temps comme cela lui arrivait parfois. C'était ainsi, un jour choisit au hasard, il partait et marchait droit devant lui jusqu'à en avoir marre et faire demi tour. Mais seulement, il allait plus loin parfois, si bien qu'il voyageait des jours et des semaines sans réelle conscience de ce qu'il faisait. Il alternait forme équine et forme humaine, ses sabots frappant tantôt la terre sèche en soulevant de mince couches de poussières, ses jambes le portant tantôt lors du passage d'une petite rivière au faible courant. Cela lui donnait l'occasion de réfléchir, et lui donnait aussi l'impression de voyager, et de découvrir de nouveaux paysages même si ce n'était pas tellement le cas. Il aimait observer la vie suivre son cours, et la nature se renouveler continuellement sur les terres de Maïwen; parfois il s'arrêtait même dans un village quelques heures avant de reprendre sa route, mais les humains n'étaient pas très intéressants à observer il fallait bien l'avouer, et leur vies semblaient plus ennuyeuses que la sienne si cela était encore possible. Comment avait-il pu être humain un jour? Et d'abord, s'en souvenait-il si bien que ça...?
En parlant d'humains, le Criminel remarqua qu'il se rapprochait d'un des villages environnants. Ce dernier se dessinait en contrebas de la petite colline où il se situait. Il s'arrêta un bref instant, la tiède brise agitant ses crins pour observer sans réel intérêt. Il allait passer son chemin, mais son regard resta accroché à ces petites habitations dispersées ça et là. Il avait comme une impression de déjà vu, comme si cette vision était rattachée à quelques souvenirs pratiquement effacés de sa mémoire, mais il n'aurait su dire exactement lesquels. Alors il se mit en avant, inconsciemment se dirigeant lentement vers ce petit village qui lui semblait si familier.
En un rien de temps, il se retrouva aux portes de cet endroit qui provoquait en lui un mélange de curiosité et de fascination. Plus il avançait, plus les souvenirs ressurgissaient, défilant devant ses yeux comme un film muet. Lentement, sa mémoire paraissait se reconstituer, fragment par fragment jusqu'à être complète. Maintenant, il en était certain, il savait où il se trouvait, et il savait ce qui s'était passé ici, pourquoi cet endroit l'intriguait tant et lui donnait cette impression de sécurité, de réconfort, pourquoi il avait l'impression d'être chez lui. Et bien parce que c'était précisément ici qu'il était né et qu'il avait grandit. C'était dans ce village qu'il avait passé plus de vingt cinq ans de sa vie. Lentement, sa conscience avait mis de côté ce qui ces fragments de mémoire qu'elle avait dû classer comme « mauvais souvenir ». Il était vrai que Vincent n'aimait pas beaucoup penser à ces périodes de son passé, mais il redécouvrait à présent les rues de cet ancien village avec une sorte de fascination qui lui était étrangère. A présent, ses pas le portait inconsciemment vers un point qu'il n'aurait su déterminer, redécouvrant au passage ces rues qu'il avait si souvent fréquenté, plus d'une centaine d'années auparavant. Certaines scènes de son passé lui sautaient aux yeux alors qu'il reconnaissait telle ou telle maison, tel ou tel croisement de rue. Les personnes se retournaient sur son passage, curieuses de savoir qui était cet étranger surgit de nul part, mais ne semblaient pas se formaliser de sa présence plus que nécessaire. Il se rendit d'ailleurs compte qu'il avait reprit forme humaine. Quand l'avait-il donc fait? Sûrement avant de pénétrer dans les lieux, il n'en savait rien; et cela n'était pas important.
Un enfant passa à sa gauche en courant, rapidement suivit par un autre ce qui eut pour effet de ramener quelque peu Vincent à la réalité. Il regarda les deux petits s'éloigner avant de se concentrer de nouveau sur sa route. Mais il stoppa net. Devant lui s'élevait une maison qui semblait avoir été abandonnée depuis un bon bout de temps, dont la porte n'avait pas été ouverte depuis quelques bonnes décennies. Le toit d'un rouge très pâle, duquel manquait quelques briques, était très abîmé. Recouvert de mousses le rongeant depuis fort longtemps, et visiblement victime des intempéries il ne semblait tenir encore debout que par la volonté du saint esprit. Les murs n'étaient pas en meilleur état. Ils étaient recouverts de fissures de haut en bas et leur couleur semblait s'être ternie au fil des années. Là aussi, la végétation semblait les avoir attaqués. Les carreaux brisés des fenêtres laissaient s'échapper quelques rares lambeaux de ce qui avait dû être des rideaux autrefois. Des rideaux d'un bleu chatoyant. La lumière déclinante de cette fin de journée apportait un petit côté mélancolique au souvenir du Vampire. C'était ici chez lui... C'était ici qu'il avait passé les premiers instants de sa vie, ici qu'il avait grandit. C'était ici qu'on l'avait arraché au doux rêve qu'avait été sa vie. Il soupira, comme résigné, mais cherchant cependant à se donner du courage.
Il avança lentement jusqu'à la porte, le bras légèrement tendu devant lui, retenant sa respiration. Ce qu'il s'apprêtait à accomplir était un geste relativement lourd de sens de par le nombre de souvenirs que cela ramènerait à sa mémoire. Après tout, il allait pousser la porte de ce qui fut autrefois sa maison et il doutait sérieusement qu'elle soit en fort bon état... Il effleura le bois de la porte du bout des doigts, fermant les yeux un instant.
Le bois de la porte émit un long grincement sinistre lorsqu'il la poussa. Elle n'était pas verrouillée... En même temps ce n'était pas si étonnant que ça. Enfin, cela étant que Vincent resta quelques instants tête baissée, observant le sol d'un oeil vide. Il n'osait pas relever les yeux sur cet endroit, il avait peur de ce qu'il allait voir. Mais s'il était arrivé jusque là, il pouvait bien avancer encore un peu... Son regard se posa sur la petite pièce devant lui. Il entra, puis referma précautionneusement la porte derrière lui, qui émit le même grincement que lors de son ouverture. Elle se serait écroulée, rongée par les vers que ça ne l'aurait pas étonné. Ses yeux défilèrent sur le mobilier de la pièce. Même s'il était pratiquement certain que cet endroit avait été visité par les mages, tout semblait intact -tout du moins, presque intact- depuis sa dernière visite, qui ne datait pas d'hier certes. Seul le temps semblait avoir visité cet endroit, les villageois n'ayant certainement pas osé entrer par la suite. L'intérieur était moins détériore que l'extérieur de la maison. Seul l'humidité semblait avoir attaqué cette pièce fût un temps, étant donné l'état des meubles. Pour le reste, seule une couche de poussière conséquente s'y était installé. Un bureau sur lequel s'éparpillaient encore quelques notes sans importance dont Vincent ne se souvenait de l'objet et une chaise dans un coin, les murs tapissés de bibliothèques chargées de livres aux pages gondolées et jaunies, et aux tranches devenues illisibles. Un tapis terne recouvrait le sol, à côté duquel était posée une table entourée de trois chaises, dont une encore poussée. La fenêtre située au dessus du bureau laissait passer une faible lumière. Il resta immobile un instant, observant la pièce qui lui était redevenue si familière. Il finit par s'avancer, chacun de ses pas laissant une trace dans la poussière, jusqu'aux bibliothèques. Ses doigts effleurèrent doucement la tranche des livres, comme s'il s'agissait d'objets inestimables (même s'ils l'étaient aux yeux du Vampire). Il poursuivit ainsi son chemin, lentement jusqu'à la porte, laissant son regard trainer sur les divers objets recouvrant son bureau, Il s'arrêta un instant sur le pas de la porte, posant sa main sur encadrement, jeta un regard en arrière et poursuivi son chemin. Il traversa un couloir, et passa devant une porte qui donnait sur la cuisine sans pour autant s'en approcher pour ensuite monter un escalier rongé menant à l'étage supérieur. Devant lui se tenait à présent un couloir, où l'on apercevait quatre portes. Vincent se dirigea directement vers la première, l'ouvrant doucement pour éviter que la poignée ne lui reste dans la main. Il s'agissait de ce qui autrefois avait été sa chambre. Là aussi, la poussière recouvrait les quelques meubles présents. Un ou deux tableaux tellement sales qu'il était impossible de voir de quoi il s'agissait ornaient les murs. Au dessous, à gauche de la fenêtre se situait un lit aux draps encore défaits, et à sa droite une table de chevets ayant pour seule utilité de porter une antique lampe à huile. L'odeur de renfermé était incommodante ici, et pour cause, la fenêtre était encore intacte. Mais cela ne semblait déranger le Vampire prit dans les pensées qu'engendraient sa contemplation.

-Flashback-

Ce matin là, Vincent se réveilla tard. Et pour cause, il s'était couché très tard la veille, trop passionné par la lecture d'un ouvrage sur la géographie pour aller se coucher immédiatement. Et à présent il en payait le prix; ayant oublié de tirer les rideaux, c'étaient les rayons du soleil qui l'avaient réveillé. Il se retourna dans son lit, rouspétant contre la lumière importune avant de s'étirer paresseusement, réprimant un bâillement. Il resta ainsi immobile tentant de cacher la lumière de sa vue, mais finit par abandonner et décida de se lever même s'il n'en avait aucune envie. Il posa les deux pieds à terre, avant de se lever lentement, Il n'avait pas de miroir sous la main, mais il avait fort à parier que ses cheveux mi longs, coupés de façon asymétrique, étaient encore en bataille. Il enfila rapidement de quoi se couvrir et descendit les escaliers, attrapant au passage une pomme à la cuisine. Cela faisait plusieurs mois qu'il vivait ainsi, travaillant de temps à autres pour ceux qui le lui demandaient afin de gagner un minimum sa vie. A vrai dire, il vivait ainsi depuis que sa mère était morte, un an après son père. Il lui avait bien fallut quelques mois pour faire son deuil.
Il attrapa un nouvel ouvrage, puis s'assit sur l'une des trois chaises entourant la table, croquant au passage dans sa pomme. Il aimait beaucoup lire, et apprendre. C'est ainsi qu'il occupait ses journées. Il lisait, étudiait, prenait des notes et faisait des recherches. Il avait d'ailleurs réussit, à force d'entrainement, à maîtriser la magie. Une magie qui n'appartenait qu'à lui, et dont les détails avaient été notés sur les feuilles éparses recouvrant son bureau. D'ailleurs, il aurait mieux fait de les ramasser, les laisser trainer n'était que peu prudent.
Deux ou trois heures passèrent, durant lesquelles il lu sans s'arrêter, littéralement captivé par ce qu'il lisait. Ce furent des coups frappés à sa porte qui le sortirent de ses pensées. Coups qui venaient sûrement de quelqu'un qui avait l'air pressé et qui sonnaient comme un cas d'extrême urgence... C'est pourquoi il se rua sur la porte afin d'ouvrir à la personne qui semblait si... paniquée?
Sitôt qu'il eut ouvert, une masse se jeta sur lui, le faisant reculer à l'intérieur. Lorsque l'individu releva la tête, il le reconnut comme étant Arkham, un des gamins du village auquel il s'était particulièrement attaché, à cause de sa personnalité. Il était débordant d'énergie et était connu pour être un peu trop rêveur. Mais l'air effrayé qu'il arborait ce jour là était loin de refléter sa personnalité. A bout de souffle, comme s'il avait couru sur plusieurs centaines de mètres, et de manière précipitée, il lui annonça que d'étranges hommes se dirigeaient vers le village, mais que d'après ce qu'il avait crû comprendre, ils étaient venus pour lui, qu'il n'avait pas de temps à perdre. Vincent ne comprenait pas grand chose de ce qu'il disait. Il ne lui semblait pas avoir d'ennemi.
Comme s'il avait deviné ses pensées, le petit lui avoua que ce que Vincent faisait chez lui, que la magie qu'il avait crée avait alimenté d'étranges rumeurs dans le village. Quelqu'un avait donc dû le dénoncer... Il le remercia d'un sourire et d'un signe de la tête, avant de lui ébouriffer les cheveux de la main et de le renvoyer chez lui se mettre en sûreté. Sitôt eut-il tourné les talons, il rentra chez lui et couru chercher ses deux sabres qui l'attendaient encore posés sur la table du salon (ce qui n'était pas très prudent non plus, il le concédait). Il n'y avait pas de temps à perdre. Si le gamin lui avait dit la vérité, et il doutait qu'il eut mentit, il était vraiment dans de sales draps.
A peine avait-il franchit la porte d'entrée pour sortir et aller plus loin sur les collines qu'il repéra au loin, aux portes du village, le fameux groupe d'hommes qui avait tant effrayé Arkham. Ils semblaient être une petite dizaine, et que des hommes. En effet, ils n'étaient pas très rassurants, et Vincent les reconnut comme étant des mages au service de la reine. Il en avait déjà entendu parler. Pourquoi étaient-ils ici? Et pourquoi pour lui? Il n'avait pourtant rien fait de mal... La peur commençait à monter en lui, lentement mais sûrement. Il fallait qu'il s'enfuie, et vite. Le temps de fermer la porte, il s'élança à toute allure vers le bout du village. Seulement, les mages, de loin, semblèrent le remarquer, car il entendit une flèche siffler à son oreille. Les rumeurs qui couraient disaient que , parfois, les mages surgissaient , on ne savait pourquoi, jetant leur dévolu sur une personne qu'ils enlevaient. Par la suite, on n'entendait plus jamais parler d'elle... Évidemment, Vincent n'enviait guère ce sort, et ne tenait pas à finir sa vie maintenant. C'est pourquoi il décida de fuir vers les forêts environnantes, les mages sur ses talons. Là bas, il lui serait beaucoup plus aisé de semer ses poursuivants.
Les heures se mirent alors à défiler, ainsi, dans une course poursuite effrénée. Il déjouait habillement les attaques de ses poursuivants, évitait leurs pièges, leurs sorts, mais... ils étaient bien trop nombreux pour lui seul. Et, plusieurs fois, ce groupe composé d'une dizaine de personnes faillit le rattraper, mais il rusa pour s'enfuir. Il s'agissait sûrement pour eux d'un défi, d'une mission qu'on leur avait confier, presque un jeu (qui ne devait d'ailleurs plus du tout les amuser) dont l'enjeu était sa propre vie. Il avait peur, très peur... Car au fond de lui, il savait qu'il ne s'en sortirai pas, qu'il ne pourrai pas vaincre et que son destin était scellé. Il était pris au piège. Il était essoufflé, ses sens étaient de moins en moins alertes, et ses jambes ne pourraient bientôt plus le porter. C'était finit, il avait perdu. La dernière chose à faire serait d'abandonner, il souffrirait ainsi un peu moins... Il sentit peu à peu ses ennemis s'approcher dans son dos, alors qu'il ralentissait. Si bien qu'ils finirent par l'encercler, le faisant stopper net. Il tourna sur lui même, à la recherche d'une issue, mais rien.. Alors il abandonna, sentant sa vue se brouiller. Les deux hommes se trouvant à ses côtés se rapprochèrent de lui et lui saisirent chacun un bras sans aucun ménagement pour le trainer vers les autres. Le jeune homme plongea son regard dans celui de l'un deux, d'un air de défi. Il était pourtant plus que terrifié, et sans doute cela pouvait-il se lire aussi dans son regard.

-Nous l'avons enfin retrouvé...
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Cette voix résonna dans l'esprit de Vincent, mais elle lui paraissait si lointaine... Il revint à lui, brusquement. Il se rendit compte qu'il était resté immobile, fixant le même décor que précédemment, les yeux dans le vide. Il secoua vaguement la tête pour reprendre ses esprits. Bien sûr, il s'était attendu à voir tous ces souvenirs affluer en entrant ici, et peut-être aurait-il dû faire demi tour dès le début, mais il n'avait pu le faire. Son regard s'attarda un instant encore sur les draps jaunis du lit, puis il fit demi tour. Il pénétra ensuite dans la seconde pièce. Une autre chambre... Celle qui autrefois avait été celle de ses parents. Elle était cependant plus meublée que la précédente. Cette fois, un lourd tapis recouvrait le sol, quelques tableaux représentant divers paysages étaient sur les murs, Une imposante armoire se trouvait dans l'angle d'un mur, et pour finir, un bureau et un fauteuil placés à côté du lit, entre une table basse et l'armoire.
C'était ici que sa mère était morte. Mais elle avait émit le désir de reposer aux côtés de son mari, le père de Vincent, qui avait été enterré au cimetière de Maïwen. Mais c'était aussi ici que Vincent était né. Cette maison appartenait autrefois à son père, qui y avait vécu seul quelques années. Vincent savait qu'il était scientifique (bien qu'il ne réussi jamais vraiment à lui faire dire sur quoi il travaillait) et qu'il ne revenait que rarement chez lui. Mais le destin voulut qu'il rencontra sa mère, lors de ses travaux, et en tomba fou amoureux. Elle était issue d'une famille modeste, voir pauvre, encore jeune et belle, évidemment la plus belle aux yeux de son père; son amour pour elle étant réciproque. Il ne fallut que quelques semaines pour que son père l'épouse. A partir de là, il se mit à travailler moins souvent, consacrant le plus de temps possible à sa femme, à leur amour, et Vincent vit le jour quelques mois plus tard.
Il se considérait comme chanceux. Il avait eut une enfance particulièrement heureuse, était aimé de ses parents qui s'occupaient de lui. Sa famille n'était pas pauvre, et il était instruit. Mais toute bonne chose ayant une fin, celle-ci fut plutôt triste. Son père mourut en travaillant, mais la famille de Vincent ne su jamais vraiment comment. Sa mère, de chagrin, tomba gravement malade, et périt à son tour moins d'une année plus tard. Il fût rongé par le chagrin pendant de longues semaines, de longs mois avant d'enfin réussir à faire son deuil. C'est à partir de là qu'il vécut seul. La suite, et bien, la suite... était particulièrement ennuyeuse et dénuée d'intérêt. A quoi aurait ressemblé sa vie, sans cet évènement qui y mit fin? De nouveau, il resta immobile, perdu dans le flot de ses pensées...Doucement, les ténèbres s'étendirent sur sa main, la couvrant entièrement. Cela ne dura que quelques secondes, et, lorsqu'ils se retirèrent, ils y laissèrent un livre, vieux et abîmé. Vincent l'avait dérobé aux mages il y avait quelques mois de cela, mais il n'avait jamais osé l'ouvrir, et le lire, ayant trop peur pour cela. Il s'agissait du compte rendu des expériences dont son corps avait fait l'objet...
Vincent s'assit sur le fauteuil de la chambre, regardant le livre fixement, hésitant. Il devrait bien apprendre un jour ce qui lui était arrivé, ce qu'il était, non? Dans un soupir, il ouvrit le rapport d'un mouvement sec. Plusieurs paragraphes étaient rédigés les uns à la suite des autres, d'une écriture fine et appliquée.
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Jour X du mois X
A la demande de la reine, la mission a été confiée aux mages de créer un Serviteur puissant afin d'être assigné à sa protection. Les volontaires étant rares, plusieurs espions ont été envoyés sur les terres de Maïwen à la recherche d'un sujet approprié aux expériences. Les préférences se tournent vers un sujet de type humain.

Jour X du mois X
Les recherches effectuées par les espions ont mené à la sélection de sept sujets de type humain, âgés de vingt à trente-huit ans, dont deux pratiquant la magie. Ce sont vers ces deux là que les préférences se tournent.

Jour X du mois X
Les deux sujets ont été capturés puis ramenés au château et placés en cellules en attendant le début des expérimentations.
Sujet n°1:
Adhal Erion- 1m78- 31 ans- Humain- yeux verts- cheveux châtains- pratiquant la magie
Le sujet a été déclaré sain et prêt à passer au premier stade des expérimentations
Sujet n°2
Valentine Vincent- 1m 86- 23 ans- yeux rouges- cheveux noirs- pratiquant la magie
Le sujet a été déclaré sain et prêt à passer au premier stade des expérimentations

Jour X du mois X
Les recherches ont débuté aujourd'hui. L'opération du premier sujet s'est déroulée sans complications, il a été placé en caisson de régénération. Le sujet n°2 s'est quand à lui montré agressif et difficile à maitriser. L'opération s'est cependant déroulée sans encombre et il a été placé en caisson de régénération. L'opération était la première d'une série de vingt cinq, visant à rendre leurs corps plus résistants.

Jour X du mois X
Cela fait 6 mois que les deux sujets sont arrivés. La première phase expérimentale vient de s'achever avec succès. Leurs corps sont à présents prêts à recevoir de nouveaux gênes. La race Vampire semble tout indiquée, pour sa force et sa résistance. Il faudra cependant avant muter ces gênes afin de créer une variété plus puissante encore, le Vampire parfait.
En attendant le début de la seconde phase expérimentale, il a été convenu que le sujet n°2 subira plusieurs tests afin de déterminer s'il est réellement apte. Il pourrait être écarté au profit du n°1. Il subira aussi une série d'expérience afin de le rendre plus docile, son agressivité ayant déjà causé des problèmes à plusieurs reprises.

Jour X du mois X
Le Sujet 2 a finalement été conservé, il s'est avéré qu'il était plus puissant que le Sujet n°1.
L'implantation des gênes a été effectuée, nous attendons de voir si elle a réellement été concluante.

Jour X du mois X
Le Sujet n°1 est décédé. Le second a difficilement survécu. Il a été placé de nouveau en caisson de régénération après avoir été ranimé grâce aux sorts de soin. Les deux ont subit une transformation très douloureuse, plus ou moins achevée. Le décès du premier est survenu une fois sa transformation achevée. Le second ne semble pas avoir entièrement assimilé les cellules, son corps semblant s'auto-défendre contre l'intrus.

Jour X du mois X
Le sujet restant semble être entièrement remis, mais est resté aux trois quarts de sa transformation. Après tests, nous avons découvert que le sang était à présent la seule nourriture nécessaire à sa survie, qu'il pouvait survivre à de nombreuses sortes de blessures et n'était pas trop sensible à la lumière du jour. Les pulsations de son coeur ralentissent progressivement. De grand progrès ont été faits, mais il reste encore du chemin à parcourir avant d'obtenir le résultat souhaité par la reine.

Jour X du mois X
Le sujet a acquéri un corps pratiquement indestructible. Le gêne Chaos vient de lui être implanté, c'est un succès. Cependant, son corps semble rester encore à moitié humain, au détriment des pouvoirs lui conférant sa nouvelle nature de Vampire. Il s'agit dorénavant d'un hybride.

Jour X du mois X
Voilà 3 ans que le sujet n°2 est conservé au château. Les récentes opérations ont permis l'assimilation complète des gênes implantés. Cependant, nous ne nous attendions pas à ce que le gêne Chaos le rende si agressif, il va de nouveau falloir tenter de le rendre plus calme, il faut qu'il conserve ses capacités intellectuelles sans que le gêne Chaos parvienne à le pousser à un état animal.

Jour X du mois X
Le Sujet est prêt à être livré à la reine. Toutes les expériences ont été achevées et couronnées de succès. Cependant il semble légèrement plus faible qu'à la normale.
Il sera transféré au château de la reine d'ici sept ou huit mois. En attendant, il est plus sage de le plonger dans un sommeil artificiel.

Jour X du mois X
L'état de santé du sujet semble se dégrader peu à peu. Cependant nous pensons qu'il s'agît de son esprit et non de son corps, une sorte de dernier recours face à la situation. Tous les moyens ont été mis en oeuvre afin de stabiliser son état de santé.

Jour X du mois X
Décès du sujet n°2. L'expérience ne sera pas renouvelée.
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Vincent referma le livre aussi sèchement qu'il l'avait ouvert. Il n'avait pas tout lu, tous les détails des expériences. Pour l'instant, il s'était contenté de lire en diagonale, et les phases les plus importantes. Alors il n'avait pas été le seul à subir tout cela... Et il avait été destiné à devenir l'homme de main de la reine. Cette découverte lui fit serrer les dents de rage. Alors, tout cela était la faute de la Reine. Et la façon neutre dont celui qui avait écrit les comptes rendu écrivait le dégoutait. Ils semblaient se contenter de l'observer comme cobaye, faisant totalement abstraction de toutes ces souffrances qu'il avait subies... Il jeta le livre sur le bureau rageusement avant de se prendre la tête entre les mains. Pourquoi tout cela était-il arrivé...? En un rien de temps, les larmes lui montèrent aux yeux, et se mirent à couler silencieusement, alors qu'il demeurait tête baissée, le visage entre les mains.
Pourquoi...

Un vent frais soufflait sur les terres de la reine Maiwen, une brise légère annonçant de début de l'automne, une saison où tout se meurt pour mieux renaitre. Dans un coin du royaume, une silhouette se tenait au sommet d'une colline, dominant ainsi les villages construits dans les vallées profondes. Une cape sombre l'enveloppait entièrement et s'agitait selon le bon vouloir d'Eole, lui donnant une allure à la fois mystérieuse et inquiétante. Pourtant, la personne se cachant derrière ce voile noir n'avait rien d'effrayant, bien au contraire, la douceur était gravée dans les traits de son visage et dans ses yeux il n'y avait aucune trace de colère ni de haine. Les nymphes, ces créatures divines, étaient nées pour émerveiller les hommes, leur apporter une douceur de vivre, les séduire. Mais sur Maiwen, tout était tellement différent.

Lentement, une main légèrement bleuté écarta le pan de sa cape, dévoilant, blottie contre se poitrine, une petite créature dormant à poings fermés. Dans l'ombre du capuchon, une léger sourire étira les lèvres de la jeune maman. Quel précieux trésor elle avait là. Même si l'idylle entre Vincent et Neda n'était plus vraiment un secret d'État, le fruit de leur amour était bel et bien caché aux yeux de tous. Personne n'était au courant, et ce depuis deux ans ! Faux, il y avait bien une personne qui connaissait son existence : Eliwood. Un ancien allié. Un ami perdu. Une pointe de regret vint troubler son esprit, mais Neda eut tôt fait de le chasser, revenant à sa seule préoccupation du moment : son amant partit du jour au lendemain. La jeune femme ne le blâmait pas. Combien de fois avaient-ils été séparés ? Mais aujourd'hui était différent, n'est-ce pas ? Vincent Valentine, Blood, était considéré comme mort pour le peuple de Maiwen. Ils étaient tranquilles ! Mais son instinct l'avait conduit jusque là, sans raison. Ou peut être si y avait-il une raison, mais pour l'instant, elle ignorait de quoi il s'agissait.

Visage couvert, Neda avança en direction d'un petit village. Pourquoi celui là en particulier ? Elle n'était pas un maître dans l'art de la chasse, et la proie qu'elle traquait était relativement difficile à repérer avec des traces quasiment inexistante. Cependant, il y avait cette sensation, cette odeur qu'elle connaissait par cœur avec le temps. Il était là, mais la question était pourquoi ?

A l'entrée du village, la nymphe observa les alentours, à la fois prudente et curieuse. Il était dans sa nature de s'intéresser à tout et n'importe quoi, il ne fallait pas lui en vouloir. Ce n'était pas dans l'intention de nuire ou de servir ses propres intérêt, loin de là cette idée. A vrai dire, c'était inexplicable. Un village tout ce qu'il y a de plus banal, pauvre certainement, mais juste ressemblant à tant d'autres. Impression de déjà vu ? Oui, mais combien de villages comme celui-ci avait-elle visité ? Une myriade. Neda chassa donc cette impression et franchit les portes principales. Des rues pavées et délabrées, des maisons en toit de chaume mais dont la plus part demandaient un peu plus d'attention; certaines tombées en ruine. Et pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de se sentir bien ici. Les habitants la regardaient non pas avec dégout ou rejet, ils posaient au contraire des yeux curieux sur elle, se demandant qui pouvait être cette inconnue déambulant dans les rues le visage à couvert. La jeune femme, bien que plus en confiance, ne dévoila pas pour autant son précieux bagage qu'elle serrait tout contre elle, à l'abri des regards indiscrets.

Ses pas la menèrent vers une petite place où trônait une fontaine asséchée, fissurée, abonnée aux désagréments du temps. Instinctivement, elle s'en approcha. L'eau était son élément et sa raison de vivre. Sans cela, elle mourrait, tout simplement. Ce serait comme priver un vampire de sang ou laisser un humain dans un cachot sans eau ni nourriture. C'était une nécessite. A la place de l'eau qui devait y couler en abondance, il y n'y avait plus que du sable et de la poussière. Sa main s'y plongea et elle regarda les grès s'envoler librement, suivant la course folle du vent. Tout pourrait être tellement parfait ici, mais qui s'inquiétait d'un petit village perdu dans le creux des collines lointaines. Personne, et surtout pas la reine.

Une voix s'éleva, attirant soudainement son attention. Assise sur le rebord de la fontaine délabrée, une vieille femme parlait devant un petit groupe d'enfant qui l'écoutait avec la plus grande attention et les yeux pétillant de malice et de joie enfantine. La nymphe ne put s'empêcher d'être surprise. Que pouvait-elle bien raconter pour que ces enfants aient un tel sourire, oubliant la pauvreté dans laquelle il vivait. Alors pour étancher sa soif de curiosité, elle s'approcha et écouta le récit dont elle avait manqué le début.

« Je ne sais pas pourquoi elle fit cela, et personne dans le village ne peut répondre à cette question. Les raisons de cette nymphe demeureront toujours un mystère. Mais quoiqu'il en soit, l'eau se mit à jaillir de la fontaine, redonnant un peu de vie dans le village. Les femmes riaient à gorge déployée, leurs mains en coupe recueillaient l'eau pour mieux la jeter au-dessus de leur tête, les gouttes venaient s'écraser sur leurs visages rieurs. Les hommes se donnaient l'accolade, heureux et soulagés. Sans ce miracle, la soif et la maladie auraient continué à décimer leurs familles. Et les enfants dansaient, riaient, chantaient, et la nymphe les suivait avec cette même joie enfantine. Un fête fut donnée en son honneur le lendemain, pour la remercier, mais elle avait disparu. Pour se souvenir d'elle, un tailleur de pierre vint graver son image dans la fontaine. »

D'un geste de la main, la vieille femme montra quelque chose derrière elle et tout comme les enfants, elle se rapprocha, bien que toujours légèrement en retrait. C'était un travail un peu gros, ce n'était pas du grand art, et pourtant il y avait de la grâce, comme si le tailleur avait mis tout son amour pour faire ce bas-relief et c'est ce qui le rendait magnifique à ses yeux. Neda avait les yeux rivés sur cette représentation de nymphe, une femme aux courbes gracieuses malgré le gros travail sur la pierre, les mains tendues devant elle, paumes tournées vers le ciel. Devant elle, un filet d'eau s'élevait dans les airs, se mouvant grâce à ses dons. Ses sourcils se froncèrent légèrement tandis que cette sensation de déjà vu s'intensifier plus encore. La nymphe n'avait aucun mal à imaginer ce moment.

« A quoi elle ressemblait ? »

C'était un petit garçon qui avait posé la question, totalement émerveillé par cette histoire. La grand-mère sembla chercher dans sa mémoire, mais cela c'était passé il y a tant d'année. Ce récit avait passé des générations et encore aujourd'hui, on continuer à la raconter, mais avec le temps, l'histoire était déformée, on oubliait certaine partie, amplifiait d'autres.

« Si je me souviens bien, elle était comme l'eau, la peau pâle, légèrement bleuté. Ses cheveux d'un bleu plus prononcé se mouvait au grès d'une brise inexistante. On dit que … »

Pas besoin d'en entendre d'avantage. Ce moment, elle s'en souvenait désormais, resurgit d'un passé lointain. C'était à un moment où elle croyait encore naïvement à la bonté des hommes, poussée par la curiosité, elle se rendait souvent dans les villages, filant telle une ombre, se montrant quelques instants avant de disparaître tout aussi subitement. Et un jour, elle vint dans ce village où la maladie avait emporté bon nombre de ses habitants. Et pour couronner leur malheur, la fontaine s'était effondrée et emportant avec elle l'eau nécessaire à leur vie. Il y avait bien sûr une autre source d'eau mais il fallait sortir du village et tout ces allers-retours étaient épuisants. Neda était arrivée dans ce terrible contexte. Sans se faire remarquer, elle était entrée dans le village, observant la vie de ces humains et compatissant à leur douleur. La nature d'une nymphe étant de rire, de s'amuser, Neda s'était décidée à agir. Elle se revoyait encore s'approcher de la fontaine, poser les mains sur le rebord et laissant ses pouvoirs agir. Lorsqu'elle s'était écartée, l'eau avait jailli. Visage à découvert, elle avait fêté ce moment avec les villageois, rencontré tant de personne, et puis le lendemain, elle était repartie. Pourquoi? Parce qu'elle avait besoin de découvrir d'autres villages de ce genre, de rencontrer d'autres humains. Elle avait été tellement naïve.

Poussée par une envie soudaine, la jeune nymphe refit les mêmes gestes qu'autrefois, mais elle se mit aussitôt dans l'ombre, ne voulant pas attirer l'attention. Un gouttelette s'écrasa dans le sable, aussitôt absorbée, une autre coula de l'orifice, puis une autre encore. Un filet d'eau finit par couler, d'abord faible, puis de plus en plus abondant. Et comme des années, des décennies, des siècles auparavant, les villageois s'extasièrent devant cette eau qui coulait à nouveau au cœur de leur village. Un sourire au lèvre, sincèrement heureuse, Neda observait ce spectacle dans son coin, loin des regards. Un petit gémissement attira son attention. Délicatement, elle souleva le pan de sa cape et regarda sa petite Melian qui avait maintenant les yeux grand ouverts et regardait sa mère avec la plus grande attention. Peut être avait-elle senti le pouvoir de sa mère ? Un baiser sur le front et Neda posa sa fille à terre, la laissant se réveiller tout doucement. La petite posa une myriade question, c'était normal, à son âge les enfants son curieux et veulent apprendre plus de mot, mais la nymphe posa un doigt sur ses lèvres avec un clin d'œil, lui intimant le silence.

Avec tout ces souvenirs, elle en avait presque oublié son objectif principal … presque. Bientôt, Neda arriva dans des quartiers plus modestes, mieux entretenu même si c'était incomparable par rapport à la capitale et aux jardins du château. Encore une fois, l'impuissance de la reine était flagrante à ses yeux. Pour un justicier, c'était un comble ! Elle qui avait pour devoir de la protéger et devait agir en son nom, voilà qu'elle la trahissait par la pensée. Indigne, oui, elle était indigne du pentacle accroché à son cou. Et pourtant, elle n'avait pas le cœur de l'enlever. Personne à l'horizon. Neda laissa tomber les masques, son capuchon retomba sur ses épaules, mettant son visage à jour, mais il n'y avait personne pour la regarder, pour voir combien son visage d'ange était serein et heureux. Mais il manquait quelque chose pour que son bonheur atteigne le sommet, quelqu'un !

Proche. Elle le sentait si proche d'elle à cet instant, mais il y avait comme un voile obscure qui l'empêcher de le voir, un mur bloquait le passage. Avec un soupir, la belle reprit Melian dans ses bras, et d'une main elle se hissa sur le toit d'une petite maisonnée, puis d'une un peu plus haute. De fil en aiguille, elle finit par s'installer sur le toit de la plus haute maison du village, dominant les environs. De là, elle pouvait voir l'effervescence autour de la fontaine, mais aucune trace de Vincent. Et pourtant, il était là, elle le sentait. Ses paupières voilèrent ses yeux d'un gris orageux, laissant l'obscurité envahir son esprit et laisser ses autres sens prendre le-dessus. Calme, sereine et attentive, elle l'attendait, Melian installée confortablement entre ses jambes.

Vincent était à présent affalé sur son bureau, le visage toujours enfouit dans les mains. Il restait ainsi sans bouger depuis au moins quinze bonnes minutes, sans pour autan en ressentir aucune gêne. S'apitoyer sur son passé était une habitude pour lui, même si cela pouvait paraître pitoyable. Ce genre de situation ne lui était donc pas étrangères, et il pouvait rester ainsi de longues heures à ruminer ses sombres pensées sans bouger, ne serait-ce qu'un peu. Cependant les sentiments qu'il éprouvaient en général n'étaient pas aussi puissants, et la lecture de son compte rendu l'avait quelque peu ébranlé (et il avait du mal à se l'avouer à lui même). Heureusement pour lui, personne n'avait assisté à cette scène. Quelques minutes plus tard, ses larmes s'étaient taries, et il se redressait sur sa chaise, continuant cependant à ressasser son passé et sa vie humaine gâchée. Enfin, de quoi se plaignait-il? S'il n'avait pas été tué par les mages, il n'aurait jamais rencontré Neda.
Mais il ne pouvait pas se permettre de rester ici trop longtemps, Neda finirait par se demander où il était passé étant donné qu'il ne disparaissait pas très souvent de cette façon. Et puis, il devait aussi s'occuper de sa fille qui était à présent pratiquement âgée de deux ans. Melian avait jusque là pu grandir tranquillement avec ses deux parents à ses côtés, et ils n'avaient pas eut à subir les attaques des Justiciers, mercenaires ou criminels, bref tout se passait pour le mieux pour l'instant, et le criminel avait même l'espoir que cela dure encore quelques dizaines d'années (de toutes façon, son nom et celui de Neda finirait par sortir des mémoires assez rapidement tout du moins il l'espérait). Ils avaient finit par s'installer dans les montagnes, à l'endroit même où Neda lui avait annoncé être enceinte, auprès de son arbre, quelques temps après la naissance de Melian. Évidemment, ce n'était pas la porte à côté et il lui faudrait un certain temps pour rentrer, c'est pourquoi il fallait qu'il parte rapidement.

Finalement, il se leva de sa chaise, quittant le bureau et attrapant au passage l'ouvrage qu'il avait parcouru quelques minutes plus tôt, le gardant à la main. Il aurait bien voulu rester ici encore un peu, dans cet endroit où il avait auparavant vécu heureux, mais il ne devait pas se laisser aller. Il était plutôt dans son intérêt de rentrer chez lui pour l'instant, dans les montagnes. Lentement, il redescendit au rez de chaussée et commença à se diriger vers la sortie. Sa main resta un court instant posée sur la poignée de la porte, hésitante, mais il finit tout de même par la pousser et sortit de la petite bâtisse.
Quand il fût sortit et qu'il eut refermé la porte derrière lui, il commença à se diriger vers les montagnes l'air encore fermé et un peu triste. Mais quelque chose attira rapidement son attention. Une bonne partie des villageois s'étaient attroupés autour de cette fontaine qui, semblait-il, s'était arrêtée depuis un bon bout de temps déjà. Mais miraculeusement, l'eau avait de nouveau commencé à s'écouler ce qui provoquait l'effervescence des habitants du petit village. Ce phénomène piqua quelque peu sa curiosité, et il fut tenté de s'approcher pour voir ce qu'il se passait, mais il n'avait pas envie de prendre le risque qu'un des habitants le reconnaisse, malgré le fait que ce petit village soit coupé du reste du monde et que par conséquent, on n'y était pas au courant des affaires qui se passaient dans Maïwen, à la capitale. Il profita donc de cette agitation pour s'éclipser. Cependant, c'était évident, ce phénomène n'était pas survenu naturellement, et quelque chose au fond de lui corrélait ce phénomène à la présence de Neda. Mais que serait-elle venu faire ici? Son seul instinct lui aurait-il permit de le retrouver? Après tout, c'était fort possible la connaissant, et le hasard faisait parfois bien les choses. De lui même, son regard se tourna vers les toits, et il ne lui fallût que quelques secondes pour repérer la jeune femme assise sur le toit de la plus haute maison, voisine de la sienne, sa fille installée sur ses jambes. Cette vue lui arracha un mince sourire en coin, qui contrasta légèrement avec son air attristé.
En un rien de temps il se retrouva sur un des toits adjacents à celui où se trouvait Neda. Il dissimula vite fait son expression attristée pour la remplacée par un air plus joyeux. Doucement, il s'approcha de la jeune femme qui semblait chercher quelque chose, son regard légèrement voilé.

- Bonjour toi.

Le Vampire était apparu aux côtés de la nymphe et avait soulevé sa fille dans ses bras pour lui déposer un rapide baiser sur le front, ce qui ne manqua pas de faire rire la petite fille. Il la garda un instant dans ses bras tout en fixant son adorable visage d'enfant d'un air attendrit. Ces deux dernières années étaient passées à une vitesse surprenante, et le Vampire n'avait pas vu sa fille grandir. Elle avait bien changé en deux ans, et ressemblait pour l'instant un peu plus à sa mère qu'à son père. Ses cheveux à présent mi longs étaient d'un joli noir bleuté. Sa peau était cependant plus pâle que celle de Neda, cependant légèrement bleutée. Son visage enfantin laissait deviner qu'elle serait très belle plus tard, avec ses yeux d'un magnifique gris bleuté qui prenaient parfois une teinte bleu électrique (Vincent n'avait toujours pas réussi à expliquer ce phénomène). De son père elle avait hérité deux canines plus pointues qu'à la normale qui apparaissaient sous ses lèvres lorsqu'elle parlait. Elle avait commencé à parler il y avait peu de temps, et prononçait ses premiers mots même si parfois cela était incompréhensible. Elle avait bien sûr aussi hérité de sa mère, et appréciait l'eau plus que la normale. Vincent était quasiment persuadé qu'elle possédait des pouvoirs, mais elle était encore trop jeune pour que ceux-ci ne se réveillent. Il priait aussi le ciel pour qu'elle ne finisse pas par devenir plus Vampire que nymphe, car même si elle se nourrissait comme sa mère, Vincent avait été quelque peu surpris lorsqu'une fois elle l'avait mordu au poignet (et il devait d'ailleurs bien avouer que c'était un peu douloureux). En conclusion, Melian était pour le moment encore une petite fille « normale » (si on pouvait la considérer comme tel) et n'avait encore jamais fait de fantaisie qui l'avait trop étonné.
Doucement, il reposa la jeune enfant sur les genoux de sa mère, pour s'approcher de cette dernière et venir embrasser ses lèvres. Il la fixa un instant dans les yeux, un sourire au coin des lèvres.

- Qu'es-tu venu faire ici? J'allais te rejoindre dans les montagnes...

A ces mots, sa marque le brula un court laps de temps, puis se calma comme elle s'était réveillée. Ses traits s'étaient tirés un bref instant, mais Neda ne semblait pas l'avoir remarqué. Tant mieux. Son bras alla enserrer sa taille, la rapprochant un peu de lui. Il nicha son visage dans ses cheveux, avant de murmurer à son oreille d'un air amusé:

- Dois-je déduire de ta présence que ceci est ton oeuvre?

Son regard se posa sur la fontaine dont l'eau n'avait cessé de couler depuis tout à l'heure. Il ne la blâmait pas, c'était une noble action qu'elle avait accomplie, bien que peu discrète. Et cela ferait une nouvelle histoire pour les femmes à raconter à leurs enfant le soir. Durant son instant de solitude, il avait entendu la vieille femme raconter une histoire pratiquement identique aux enfants du village. Les enfants raffolaient des histoires, c'était bien connu, mais Vincent n'en avait pas des masses à raconter à sa fille.

Les yeux clos, plongée dans les ténèbres les plus profondes, Neda faisait abstraction de tout jusqu'à entrer totalement dans ce monde guidé par l'instinct, l'ouïe, les odeurs, les sensations. Que ressentait-elle à ce moment là ? Et bien, l'euphorie des habitants lui arracha un demi-sourire, puis elle focalisa son attention sur d'autres choses : un chat qui passe en renversant des bouteilles vides, un paysans qui laboure son champ un peu plus loin, un enfant qui pleure alors que sa mère le berce, marchant de long en large pour essayer de la calmer. Cette scène lui rappela ses débuts avec Melian. Non pas qu'elle leur en avait fait voir de toutes les couleurs, mais comme tous les enfants de cet âge, le seul moyen de communiquer était de crier et de pleurer, sans parler des gazouillements à répétitions.

Puis, une forte impression lui fit cesser tout mouvement alors qu'un paisible sourire étirer les coins de ses lèvres. Il était là. Enfin l'élément qui lui manquait était à présent à ses cotés. Auparavant, leurs rencontres étaient peu nombreuses, toujours dans la plus grande discrétion, et leur amour n'en était que d'autant plus fort. C'est deux dernières années, Neda les passa avec lui, tous les jours. Alors quand il était parti, son absence s'était fait sentir. Quand on est trop habituée à être avec son âme sœur, lorsque celle-ci s'éloigne, on a l'impression d'être incomplet. La jeune femme s'était sentie incomplète. Mais à présent, il approchait, il les rejoignait, et il allait achever le puzzle de leur petite famille.

Son visage exprimait une tendresse infinie lorsque le vampire prit sa fille dans ses bras. Quel magnifique tableau il lui offrait là, un tableau qu'elle avait vu bon nombre de fois mais dont elle ne se lassait jamais. Comment pourrait-elle se lasser ? Au fil des années, son amour pour Vincent ne cesser de grandir, se renforçant jour après jour. Le cœur n'a pas de ride. Le cœur ne vieillit pas.

Le rire de la petite résonna comme une douce mélodie à ses oreilles. Elle avait grandi tellement vite. Trop vite. Mais bon, ils avaient l'éternité devant eux, enfin, Vincent l'avait. Pour Neda il lui restait encore quelques siècles. C'était toujours ça de pris. L'heure n'était pas à penser de telles choses, au contraire. A cet instant, elle ne pouvait être qu'heureuse. Cependant, alors qu'elle observait les deux être chers à son cœur, la nymphe inclina légèrement la tête sur le coté. Le visage de Vincent exprimait un bonheur sincère, mais il y avait quelque chose qui obscurcissait le tableau. Quoi ? Elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Mais elle eut tôt fait d'oublier le problème lorsque Melian regagna ses genoux et que Vincent déposa un tendre baiser sur ses lèvres. Le goût des retrouvailles.

Les yeux mi-clos, elle savourait leur échange.
Tellement plus parlant que les mots.
Et lorsqu'il cessa, leurs regards se rencontrèrent. Le rouge carmin contre le gris lunaire. Aucune menace, aucune lueur dangereuse, juste un amour profond. Neda pourrait rester des heures ainsi, ses yeux ancrés dans les siens tel un bateau fidèlement amarré à son port. Jamais elle ne pourrait aimer quelqu'un d'autre, jamais elle ne pourrait se séparer de lui sans après avoir envie d'en finir. Il était sa raison de vivre, tout comme leur petite Melian.

Qu'est-ce qu'elle était venue faire ici ? Neda s'apprêtait à répondre lorsque Melian attira son attention en pointant le doigt à sa gauche. La voilà qui recommençait, désignant toutes les choses qu'elle voyait. Enfin, cela faisait partie de le vie de nourrisson : l'apprentissage. Et du coup, elle ne vit pas cette lueur de douleur et d'inquiétude qui passa dans le regard de Vincent, et puis de toute façon, elle n'aurait rien vue quand même. Ce fut tellement furtif.

Puis, elle sentit la main du vampire passer dans son dos et enserrer sa taille. La nymphe se blottit un peu plus dans ses bras, tandis qu'il lui soufflait ces mots à l'oreille. Un petit sourire naquit sur ses lèvres tandis que, comme son compagnon, son regard se posait sur la fontaine. Son œuvre. Puis son sourire se fit légèrement amer.

- Qui se préoccupe de ses gens ? Ils sont oubliés de tous, même la capitale doit ignorer leur existence, leur pauvreté, leur misère. Même la reine n'en a que faire, absorbée dans cette guerre, comme si elle en prenait un plaisir sadique.

Neda posa sa tête sur l'épaule de Vincent, fermant les yeux un instant. La mémoire. Ce passé au présent. Ce brouillard à la fois épais et translucide, où seul demeuraient les sensations. Aucun visage.

- Je suis venue ici, il y a bien longtemps. J'ai à nouveau fait couler l'eau de la fontaine, comme aujourd'hui. C'était du temps où je croyais encore à la bonté humaine.

Mais aujourd'hui, qu'est-ce qui l'avait poussé à reproduire cette même scène ?
Neda n'avait pas la réponse.

- C'est flou, je ne me souviens plus très bien. Juste des sensations. Des enfants qui jouaient, tournant avec moi autour de la fontaine. Mais aucun visage ne me vient à l'esprit. C'était il y a bien longtemps. Un siècle, peut être deux.

Et maintenant, à elle de comprendre un peu la raison de la présence de Vincent dans ce petit village.

- Qu'est-ce qui t'a poussé à venir ici si soudainement ?

Il n'y avait pas de reproche dans sa voix, loin de là, mais elle avait envie de savoir et de la comprendre. Pour partager avec lui ces moments.

La tête posée sur l'épaule de Vincent, Neda expliquait à Vincent pourquoi l'eau jaillissait de nouveau de la fontaine. Ce dernier eut un maigre sourire en acquiesçant de la tête. Elle avait raison. La reine et les dirigeants ne souciaient que très peu de ces villages alentours, bien trop éloignés pour qu'ils ne connaissent rien que leur existence et certains de ces villages auparavant prospères n'étaient à présent plus que l'ombre d'eux même après le passage de la guerre. Misère et désolation. Voilà deux mots qui définissaient bien ces habitations. Mais ce village-ci ne s'en sortait pas trop mal par rapport à certains.
Son regard resta un court instant posé sur Melian qui pointait quelque chose au loin sur la gauche, Vincent ne savait quoi. La très jeune enfant cessa au bout de quelques secondes et Vincent reporta son attention sur la belle nymphe alors qu'elle reprenait la parole. Il y a cent ou deux cent ans? C'était à cette époque que Vincent avait passé son enfance dans ce village, mais il n'avait aucun souvenir à propos de cet évènement. Le temps avait eut raison de bien des choses le concernant, ses souvenirs en particulier. Il réfléchit un instant. Et bien oui, à propos, que lui restait-il de ses souvenirs, de ces instant passés il y a si longtemps? Pratiquement rien... Seulement une masse confuse d'images et de paroles et quelques fragments de mémoire qui lui revenaient lorsqu'il fermait les yeux. Des souvenirs tristes... D'ailleurs il n'aurait su dire si ces pertes de mémoire étaient dues à son séjour chez les mages, ou à son esprit capricieux. Enfin peu importait, les faits étaient là. Il se demandait s'il en était de même pour Neda, qui était après tout plus âgée que lui encore. A l'évidence, non.

- Ta vision de la reine et du royaume semble avoir bien changée. Quelle en est la raison?

Il eut une drôle d'expression. Décidemment, cette guerre n'avait entrainé que trop de changements, tout cela pour une vieille querelle entre camps.
Sa description le fit sourire. Il ne comprenait pas pourquoi elle faisait ça, après tout ce que les humains lui avaient fait subir à elle aussi. Même s'ils n'étaient pas lui, même s'ils n'étaient pas cet homme qui l'avait emprisonnée, il ne comprenait pas, même si Neda était devenue moins méfiante envers les humains après avoir rencontré Eliwood, et les autres. Eliwood... Qu'était-il devenu? Il ne l'avait pas revu une seule fois depuis la dernière fois, il y avait deux ans de cela.
Neda le sortit de sa rêverie avec sa question. Que pourrait-il bien lui répondre? Il ne le savait pas exactement lui même... Son regard se posa à nouveau sur les maisons alentours et sur les villageois déambulant dans les rues et autour de la petite fontaine sur la place. Ses yeux restèrent dans le vague un instant.

- Je ne sais pas. Je suis arrivé par hasard. Il fixa un instant l'horizon, et la maisonnette où il passât son enfance de nombreuses années auparavant. C'est ici que j'ai passé ma vie, dans cette maison. Mais je ne me souvenais pas de tout cela, c'est le hasard qui m'a mené là. Mais à présent je me souviens, et je sais ce qui a fait de moi ce que je suis aujourd'hui, et pourquoi... Je t'expliquerai tout cela plus tard, si tu le souhaite...

Il marqua un silence. Si ca n'avait pas été Neda, il ne lui aurait jamais révélé tout cela. Mais justement, il s'agissait de Neda, et le Vampire ne pouvait rien lui cacher. Et puis, il n'avait aucune envie de lui cacher des choses. Il déposa un baiser sur sa joue en se rapprochant un peu plus d'elle. Cependant ce moment fût de courte durée car déjà l'enfant appelait sa mère, jalouse de ne plus être son centre d'attention. Vincent sourit, s'arrachant aux bras de sa bien aimée tout en se relevant. De nouveau il prit la jeune enfant dans ses bras, la soulevant des genoux de sa mère. Il fixa un instant les yeux de sa fille tout en lui parlant.

-Ne t'en fais pas, je te rendrais bientôt ta mère, petit ange.

Puis il releva la tête pour fixer la Justicière, lui adressant un mince sourire amusé avant de reposer la petite au sol, la tenant néanmoins par la main. Elle semblait déjà avoir du mal à tenir en place, mourant d'envie d'aller se dégourdir les jambes un peu plus loin après tout ce temps passé immobile. Elle essaya plusieurs fois d'attirer l'attention de son père en l'appelant au grand damne de ce dernier qui tentait de s'adresser à Neda.
Il ne voulait pas s'éterniser ici, qui plus est sur un des toits. Il fallait dire que ce n'était pas très discret... Il tendit alors sa main libre à Neda, l'invitant à se relever.

-Viens, descendons. Nous allons finir par attirer l'attention des villageois. Que dirais-tu de passer la nuit ici? Il est trop tard pour faire demi-tour

Après tout, changer un peu d'air de temps en temps ne leur ferait pas de mal à eux trois...

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