Travail de nuit [pv Eliwood]

Nouveau soupir. La nuit tombait sur la ville et ses habitants allaient pouvoir goûter aux plaisirs de la vie nocturne. La ville le jour était totalement différente la nuit, l'ambiance n'était pas la même, et les gens non plus. Lydie, debout derrière le bar, accoudée dessus, regardait les clients arrivaient dans l'auberge où elle travaillait, et cette nuit il y aurait foule. Une fois par semaine, des habitués venaient pour jouer aux cartes, misant de l'argent. Son rôle était alors de s'assurer que leurs verres soient toujours pleins et au final, elle gagnait un bon pourboire. Il n'y avait pas de mal à ça, c'était les ordres des clients après tout. La jeune fille eut un petit sourire avant de sortir de sa rêverie et de servir les hommes au bar. On ne peut pas dire qu'elle était spécialement aimée … on la trouvait bizarre elle et ses yeux de différente couleur. Et puis, elle était tellement blanche, une blancheur cadavérique même. Enfin, les lueurs des bougies apportaient quelques couleurs sur son visage. De temps en temps, alors qu'elle allait servir les habitués, elle les regardait jouer.

- Perd pas ton temps gamine. T'pourras jamais jouer comme ça. Contente toi d'faire ton travail, dit Paul, celui qui tenait l'auberge tout en posant une main sur son épaule.

Deux choses l'énervèrent. De un, pourquoi ne serait-elle pas capable de jouer correctement. Elle n'était pas née de la dernière pluie. Et de deux, elle détestait quand il l'appelait gamine. Nouveau soupir.

- Lydie ! R'veille toi ! Yen a qui attendent !

Lydie leva les yeux au ciel et se dirigea vers l'un d'eux qui avait son verre vide.

- Désolée, dit-elle à voix basse.

Sa voix était chaude, suave, ensorcelante, c'est pour cela qu'elle parla à voix basse, rapidement. Ne parler que le stricte minimum si on ne voulait pas qu'on la jette dehors en la traitant de sorcière. Chienne de vie. Elle releva la tête pour fixer le client, attendant sa commande.

Un cinquième joueur ! Il n'était pas rare que les quatre habitués laissent d'autres personnes jouer avec eux et ce gars là en l'occurrence semblait étranger à la ville : un capuchon sur la tête et un cheval attaché dehors qui ne lui était pas connu. Après une vingtaine d'année à vivre dans cette ville, elle commençait à connaître ses habitants. Le truc c'est qu'avec ces habitués, quand quelqu'un se joignait à eux, bien souvent il finissait sans un sous, complètement vidé de ses poches. Non pas qu'ils étaient d'excellents joueurs, pour être plus précis, c'était d'excellents tricheurs. En moins d'un mois, ça allait être le cinquième à se faire rouler. Et comment ? En cachant des cartes dans leurs manches et en les sortant subtilement sans que le plumé ne s'en aperçoive.

Lydie préparait la commande du nouvel arrivant, une assiette contenant une viande rôtie, pas trop cuite et encore fumante accompagnée d'une sauce douce et des asperges au safran, et à coté des miches de pain. Elle apporta le tout avec un verre d'eau … c'était ce qu'il y avait de plus surprenant dans sa commande. Peu d'homme demandaient de l'eau, préférant de loin le vin, qu'il soit fort ou non. Elle réfléchissait tout en apportant la commande, et finalement, elle prit sa décision. Elle déposa l'assiette juste à coté de lui, pour qu'il ne soit pas dérangé pour jouer et alors que les quatre hommes riaient grassement, elle réussit à lui glisser quelques mots.

- Fais attention, l'étranger. Ils ont plus d'un tour dans leurs manches.

Elle avait parlé à voix basse, rapidement, harmonieuse et qui résonnait comme un écho. Elle tourna les talons et s'apprêta à filer loin d'eux.

- Hey ! Lydie, l'apostropha violemment l'un des gars après avoir bu d'un trait son verre.

Lydie ne se retourna pas, elle pesta intérieurement, croyant qu'il l'avait entendu mais il n'en était rien, fort heureusement. Il tendait tout simplement son verre vide dans sa direction, le retournant pour montrer qu'il n'y avait plus rien dedans.

- Il doit toujours rester plein.

La jeune fille se retourna, leur adressant un sourire en coin tout en leur montrant la bouteille de vin qui était vide, tout comme son verre. Elle la retourna avec une expression moqueuse sur le visage. Le vieux bougre pesta et frappa du poing sur la table.

- Ramène d'la cervoise alors !

Sans demander son reste, Lydie partit chercher le dit bouteille et continua à remplir leurs verre. Un autre joueur se pencha alors vers l'assassin, le regard brillant.

- Tu es sûr de vouloir continuer ? Tu viens de perdre la moitié de ta bourse, ce serait bête de tout perdre en une seule et unique partie.

A cette phrase, Lydie eut un léger sourire, dévoilant une canine plus grande que la normale, mais ce sourire disparut aussi vite qu'il était apparu. Elle espérait simplement qu'il est compris son avertissement. Elle en avait marre de voir ces pauvres gens se faire dépouiller à un jeu qui n'était pas des plus honnête. En même temps, elle était mal placée pour parler d'honnêteté !

Quand elle vit qu'il voulait continuer, Lydie douta sérieusement de sa santé mentale. Elle se retira, ne voulant pas paraître louche à tourner autour d'eux, alors elle retourna derrière le bar, essuyant un peu de vaisselle pour passer le temps. Puis, quelque réclama toute son attention : son estomac, il criait famine. La jeune fille grimaça et se rendit dans l'arrière pièce pour prendre un peu de pain et du fromage, de quoi caler sa faim.

- Ca s'ra déduis sur ton salaire, Lydie. N'oublie pas.

Ça pour sûr, elle n'oubliera pas. Elle était maigrichonne, il faut avouer qu'elle ne mangeait pas toujours à sa faim, alors parfois, elle demandait à l'aubergiste un peu de nourriture … pas gratuit, évidemment. Lydie poussa un long soupir en grignotant vite fait son maigre repas avant de retourner dans la salle principale. Elle jeta un regard à la table, ils mettaient à découvert leur jeu. L'étranger devait avoir perdu. S'éleva alors des protestations et des accusations de tricherie, attisant alors son intérêt. Qui croyait prendre est pris ! Un sourire étira ses lèvres, terriblement moqueur, mais elle baissa la tête pour qu'on ne la voit pas. L'étranger quitta alors leur table pour se mettre dans un coin plus sombre de l'auberge, à l'écart, emportant avec lui son repas. Et bien, il s'était bien débrouillé, Lydie ne savait pas comment il s'y était pris mais chapeau.

- Lydie, hurla l'un d'eux.

Bon sang ! Il ne pouvait pas la laisser tranquille cinq minutes. Pour être tranquille, elle leur apporta directement trois bouteilles. Ils ne l'appelleront que dans une bonne demie heure, ça lui laisser un moment de répit. Lydie soupira de soulagement, mais on l'appelait déjà et cette fois-ci, c'est la voix de l'étranger qui parvint à ses oreilles. Elle arriva à ses cotés, inclinant légèrement la tête pour lui demander ce qu'il désirait, la lueur de la bougie éclairant son visage pâle, faisant naitre des ombres fantastiques et faisant pétiller ses yeux dont la couleur était différente, l'un d'un bleu électrique, l'autre d'un marron pâle.

- Je peux vous aider ?

Une voix doucereuse, suave, semblant vous attirer. Elle avait un petit sourire au bord des lèvres, imperceptible. Mine ne rien, elle était contente qu'un inconnu ait pu plumer les quatre joueurs aussi facilement.

S’il ne voulait rien en particulier, alors pourquoi l’appeler ? Lydie fronça les sourcils, mais elle se pencha légèrement approchant son visage du sien suite à sa demande. Et à sa surprise, il la remercia. Son regard exprima son étonnement, mais bien vite, un sourire en coin étira ses lèvres. Elle inclina la tête en avant en signe de remerciement, et alors qu’elle allait tourner les talons pour retourner derrière le bar, il lui proposa de s’asseoir à sa table. La jeune fille hésita, puis finalement, l’auberge n’était pas bondée, elle pouvait ben s’accorder une pose. Et de plus, c’était le client qui le lui demandait. Elle le laissa finir tranquillement son assiette puis à sa dernière réplique, elle eut un petit rire.

- Je transmettrais vos félicitations au chef.

Et non ! Elle ne s’occupait pas de la cuisine, et heureusement, sinon ce serait un véritable désastre. L’aubergiste, Paul, n’aurait alors plus un seul client. Son regard perçant se fixa sur lui, comme si elle cherchait à voir au travers de son capuchon. C’est à peine si elle voyait le bas de son visage. Lydie décida alors de jouer franc jeu, mettant sur la table la carte de la franchise. Droite sur sa chaise, un air sûr sur le visage, elle posa ses coudes sur la table et leva ses mains jointes à hauteur de son visage.

- Il est rare de voir des étrangers à visage couvert en ville.

Ses doigts se pressèrent contre ses lèvres, tandis qu’elle le scrutait du regard.

- La discrétion est souvent accompagnée de méfiance.

Lydie s’adossa contre la chaise, toujours aussi droite, le menton haut, et les bras croisés sur sa poitrine. Un sourire sarcastique éclaira alors son visage blafard.

- Que venez-vous faire en ville, l’étranger ?

Il y avait une pointe de moquerie dans sa voix douce et suave. Les gens présents dans l’auberge ne prêtaient aucune attention à eux. Ils étaient dans un coin reculé à l’abris des oreilles indiscrètes.