Un moment d'Éternité

Une phrase non terminée, en suspend, il n'y a rien de pire ! Elle présage le pire à chaque fois. Neda senti son cœur se serrer, alors elle se blottit un peu plus contre lui. Même si c'était inévitable, elle ne devait pas y penser, pas maintenant. Elle devait se ressaisit et profiter de ces moments avec lui. Elle voulut se reculer pour lui faire part de son point de vue, mais il la devança. La nymphe poussa un petit cri de surprise quand il la prit soudainement dans ses bras et sortit de la grotte sans se préoccuper de son avis. Et à sa grande surprise, il l'emmena près de l'eau, néanmoins, elle sentit la bonne humeur revenir en voyant son sourire éclairer son visage. Ses soucis partirent en fumée tout comme ce rêve. Bonne humeur qui fut vite remplacée par la stupéfaction. Se baigner ? Neda écarquilla les yeux et ouvrit la bouche sans qu'aucun son ne sorte. Finalement, elle se secoua la tête pour reprendre contenance.

- Tu peux répéter ?

Mais son regard la fit taire alors qu'il enlevait lui-même les sanglons de la cape qui tomba au sol dans un froissement de tissu. Avait-il perdu l'esprit ? Il voulait aller dans l'eau, Neda ne voulait pas en croire ses oreilles. Elle retira ses bottes rapidement et sa chemise suivit le mouvement, elle ne garda que son pantalon qui était moulant et ne l'empêchait pas de se mouvoir dans l'eau. Elle marcha sur la berge, ses pas se transformant en un doux clapotis et elle s'arrêta en face de lui, tournant le dos à la source.

- Tu es sûr de ce que tu fais, dit-elle croisant les bras sur sa poitrine, un rire dans la voix. Je vais finir par croire que j'ai une influence sur toi.

Bonne ou mauvaise ? Ça restait encore à voir. Ses bras retombèrent doucement le long de son corps puis elle recula, s'enfonçant lentement dans l'eau, eau qui montait progressivement, elle s'arrêta jusqu'à ce que l'eau atteigne sa taille, si Vincent venait à son niveau, l'eau lui arriverait en haut des cuisses. Elle ne le quittait pas des yeux alors qu'une lueur brillait dans son regard, mais ce n'était pas du défi. Elle ne le défierait pas sur quelque chose qu'il déteste. Il devait vraiment se forcer ce qui lui arracha une petite moue.

- Te baigner alors que tu as horreur de l'eau. Qu'est-ce que tu as derrière la tête ?

Il faisait ça pour elle. Un sourire attendrissant étira ses lèvres, alors qu'elle le regardait avancer toujours plus loin dans la source. Il n'hésitait pas à se jeter à l'eau, autant au sens propre qu'au sens figuré, pour lui faire plaisir, pour lui changer les idées, pour lui faire oublier. Et il y parvenait. Mais est-ce qu'elle pourrait faire la même chose pour lui ? Sans hésitation : oui ! Elle n'hésiterait pas à s'attirer les foudres des justiciers pour lui. Il n'y avait rien de plus important à ses yeux à par lui … et puis autre chose. La voix de Vincent la sortit de ses pensées.

Neda lui sourit doucement, mais elle était toujours plus ou moins préoccupée. Elle devra lui dire un jour ou l'autre de toute façon. Non pas qu'elle avait peur de sa réaction mais … disons qu'elle avait une certaine appréhension. Qui n'en avait pas ? Combien de femmes c'étaient retrouvées seules après avoir annoncé la nouvelle à leur mari ? La n'était pas la question, elle ne pensait pas que Vincent l'abandonnerait … elle l'espérait. C'était vraiment étrange. D'habitude, rien ne l'effrayait, et là, une simple nouvelle lui faisait peur, bien plus que lorsqu'elle avait rencontré le vampire pour la première fois.

La nymphe poussa un long soupir, puis elle inspira profondément comme pour se donner du courage, et enfin elle avança dans l'eau. Lentement. Elle sentait son cœur battre à toute allure dans sa poitrine, elle avait l'impression que même le sanglier à l'autre bout de la forêt pouvait entendre son battement rapide. Calme. Elle devait reprendre son calme. Neda arriva enfin à ses cotés, l'eau lui arrivant à la poitrine.

- Vincent !

Elle avait des trémolos dans la voix tellement elle était en stress, sa bouche était sèche comme si elle n'avait pas bu depuis des lustres. Elle leva les yeux vers lui et les détourna aussitôt. Elle ne s'était jamais sentit aussi mal à l'aise. Sous l'eau, elle se mit à jouer avec ses propres doigts, les tournant dans tout les sens.

- Je dois t'avouer quelque chose !

Bon sang, pourquoi était-ce si compliqué ? Elle n'avait que trois mots à dire. Trois mots simples : Je - Suis - enceinte. Ce n'était pourtant pas difficile. Son corps n'avait pas vraiment changé, elle avait juste un petit ventre mais qui se voyait très peu sachant qu'elle était très fine au départ. Et ces amies mensuelles ne lui avait pas passé le bonjour depuis trois mois. C'était on ne peut plus clair.

- Depuis quelques temps, je ne suis plus seule.

Elle baissa la tête, s'humectant les lèvres, regardant son propre reflet dans l'eau, puis celui de Vincent. Elle remarqua alors que ses paroles pouvaient avoir un double sens. Neda releva brusquement les yeux vers lui, les yeux écarquillés devant l'horreur de la situation.

- Ha ! Non, dit-elle brusquement. Ce n'est pas ce que je voulais dire. Elle inspira un bon coup et … Je suis enceinte, lâcha-t-elle d'un trait.

Ca y est ! Elle l'avait dit. Neda se sentait libérée d'un poids, mais elle n'en était pas plus rassurée. Elle attendait la réaction de Vincent, la tête basse, trouvant le fond de l'eau particulièrement intéressant.

Quand elle sentit la main de Vincent quitter sa joue, son angoisse manqua d'un cran et elle se mit à imaginer le pire. Le pire du pire. Et ce silence … elle avait envie qu'il dise n'importe quoi, mais qu'il rompe ce silence insoutenable.

- Enceinte ? De... de moi ?

Tout sauf ça ! Neda releva brusquement la tête et lui lança un regard noir. Elle inspira profondément en essayant de retenir la réplique acerbe qui menaçait de franchir ses lèvres. Puis sa colère retomba d'un coup. Il semblait tellement perdu qu'elle sentit la tristesse l'envahir d'un coup. Elle aurait du s'y attendre. Sa nouvelle question, plus intelligente cette fois-ci lui fit lever les yeux, et elle vit alors son visage se transformer, passant de la surprise à la joie, ses yeux n'étaient plus hagards mais pétillant. Elle ne l'avait vu que très rarement ainsi et cela lui fit chaud au cœur. Son yeux gris se mirent à briller, comme si des larmes allaient s'échapper d'une minute à l'autre.

- Trois ou quatre mois.

Lorsqu'il posa son front contre le sien, elle se sentit exploser de joie. Elle n'aurait pas espéré mieux, parfait. Il était parfait. Et quand il l'embrassa, elle sentit les larmes couler sur ses joues, des larmes de bonheur. Elle pleurait tellement elle était heureuse. Elle rigola tout en l'embrassant, puis elle prit son visage en coupe, lui dit un je t'aime avant de poser sur ses lèvres, baiser rapide, avant de se détacher, lui disant à nouveau ces mêmes mots avant de l'embrasser encore. Elle répéta ce manège puis finit par passer les bras autour de son corps, posant ses mains dans dos, elle s'accrochait à lui comme si sa vie en dépendait, et en quelques sorte c'était vrai. Elle avait eu si peur qu'il rejette son enfant, leur enfant.

- Un foyer ?

Un endroit bien à eux … un rêve qui n'était pas encore possible. Neda se serra un peu plus contre lui. Leur bonheur était à portée de main, et pourtant, il lui semblait tellement inaccessible pour l'instant. Elle aurait voulu le saisir, tendre la main, mais il semblait être immatériel, comme de la fumée que l'on tente vainement d'attraper. Mais elle voulait y croire.

- A quoi penses-tu ? dit-elle avec douceur, un sourire heureux au bord des lèvres. Je ne veux pas un endroit sans eau.

Elle avait croisé les bras sur sa poitrine, adoptant une position d'autorité, puis elle haussa un sourcil comme pour dire qu'il n'avait pas le choix. Puis sans prévenir, elle se mit à rire tout en tournant sur elle-même, totalement à l'aise dans l'eau qui semblait être comme une partie d'elle. Puis elle prit son visage en coupe l'embrassa, longuement, avec passion jusqu'à ce que le souffle lui manque. Son visage était à hauteur du sien, l'eau la portait jusqu'à lui. Si elle le voulait, elle pourrait marcher sur l'eau sans éprouver la moindre difficulté.

- Où pourrait-on trouver un endroit sans être dérangé par les justiciers ou les criminels ? Il est peut être encore trop tôt.

Était-ce raisonnable surtout ? Est-ce qu'ils ne risquaient pas de voir quelqu'un débarquer chez eux un jour ou l'autre et tout détruire. Instinctivement, elle baissa la tête sur son ventre et posa la main dessus. Il n'était plus tout a fait plat, mais il n'était pas gros comme un ballon non plus. On sentait qu'il était plus dur, plus bombé.

- Peut être n'est-ce pas le bon moment !

Plus tard. Ce mot résonnait étrangement à ses oreilles. Neda avait l'intime conviction que plus tard, il sera trop tard. La nymphe chassa ses pensées funestes pour reporter son attention sur Vincent qui posait sa main sur la sienne, sur son ventre. Elle sentit ses joues prendre feu, prendre une jolie teinte bleuté. Elle rougissait (ou bleuissait) de plaisir mais aussi de gêne. Il y avait une vie à l'intérieur d'elle, une vie qui était la fusion de leur amour. Elle avait du mal se faire à cette idée, et le fait de porter un enfant était tout nouveau pour elle. Mais elle aimait cela. Elle se sentait terriblement bien. Une fille pour lui ressembler … un tendre sourire éclaira son visage.

- Qui sait … on verra cela d'ici quelques mois !

Il faudra aussi lui trouver un prénom, faire une liste autant pour les garçon que pour les filles. Sait-on jamais. Vincent avait beau vouloir une fille, l'enfant était encore bien au chaud dans son ventre et ne montrera le bout de son nez que dans quatre mois, au grand maximum. Puis elle leva des yeux faussement larmoyant vers lui.

- Tu sais que tu vas de retrouver avec une baleine d'ici quelques mois.

Elle inclina la tête su le coté.

- Sans compter mes sautes d'humeur et mes hormones qui me travaillent plus que d'habitude, mes envies soudaines de choses incongrues …

Neda eut un rictus qui ne présageait rien de bon.

- Tu es prêt à assumer tout ça ?

Puis son expression redevint aussi douce. Elle retira sa main de celle de Vincent pour qu'il pose sa main directement sur son ventre. Elle la laissa là quelques minutes, puis elle la leva à hauteur de son visage, l'embrassant, la serrant doucement puis elle posa sa joue contre le dos de sa main, ancrant son regard profondément dans le sien.

- Promet moi, Vincent ! Promet moi que tu seras toujours là. Que tout se passera bien !

Elle avait besoin qu'il le lui dise. Même si ce n'était qu'un fol espoir, elle en avait besoin, pour elle, pour son enfant … leur enfant. Elle n'avait pas envie de le perdre. Il est vrai qu'elle avait désormais une raison de vivre sans lui, mais ce ne sera jamais pareil. Jamais.

Mais qu'est-ce que l'espoir ?
Une catin qui nous séduit pour se faire tout donner.

Ensemble jusqu'à la fin. Voilà ce qu'elle voulait entendre. Un sourire paisible étira les lèvres de la nymphe alors qu'elle le regardait amoureusement les yeux dans les yeux. Cinq mois … qui allait passer à une vitesse phénoménale. Comme tous les parents, ils ne verront pas leur enfant grandir, tout ira tellement vite. Bébé deviendra enfant, enfant deviendra adolescent, puis adulte. Enfant né au beau milieu d'une guerre, enfant né des deux camps. Y avait-il seulement un bon avenir pour eux ? Oui … sûrement !

- On pourrait rester ici. Peu de gens passe dans les parages. Nous serons tranquilles.

D'accord, c'était en pleine nature, mais Neda avait l'habitude. Pendant des années, elle avait vécu ici, pendant des siècles. Elle n'avait pas peur … ou presque. Quand viendra le moment, elle sera une vraie furie, elle en avait la conviction. Vincent, s'il est présent, sera à plaindre, mais bon, elle avait encore cinq mois de répit. La nymphe sourit doucement avant de l'embrasser avec une infinie tendresse. Elle ne pouvait pas être plus heureuse.

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Deux mois plus tard …

Fini les désagréments des premiers mois. Neda était maintenant enceinte de six mois à peu près. Son ventre était presque tout rond, elle sentait parfois l'enfant remuer à l'intérieur, si bien qu'elle en avait mal au cœur. La nymphe avait aussi plus chaud que d'habitude, et elle avait souvent faim, elle mangeait des fruits à gogo, tout le temps. Il y avait aussi autre chose de moins agréable : sa respiration était un peu plus difficile et elle était souvent fatiguée. Néanmoins, elle avait toujours un sourire béat collé au lèvres, une main sur le ventre. Elle avait comme l'impression qu'il réagissait au touché, elle le sentait qui prenait peu à peu plus de place dans son ventre. Neda n'avait jamais à cet instant paru plus fragile. Elle utilisait également beaucoup moins ses pouvoirs pour ne pas dire pas du tout, cela l'affaiblissait considérablement.

Il faisait nuit et la pleine lune brillait haut dans le ciel, éclairant les lieux de sa lumière blafarde. Neda était assise sur une racine de son arbre, une racine qui dépassait de l'eau, ainsi, ses pieds touchés l'élément, ridant la surface. Elle se sentait si bien … la lune qui influençait ses pouvoirs lui donnait non pas un sentiment de force, mais de sécurité. Son regard était d'un gris plus soutenu, plus blafard, plus lumineux.

Neda se releva lentement et regagna la berge avec précaution. Elle avait une certaine gène mais pouvait encore se déplacer. La respiration légèrement sifflante, elle s'assit au bord de la grotte et appuya sa tête contre la parois. Elle était fatiguée, mais elle voulait rester éveiller. Elle ne voulait pas paraître encore plus faible qu'elle ne l'était déjà, bien que cette faiblesse soit bénéfique.

- Tu me prends toute mon énergie, dit-elle avec un sourire en coin tout en caressant son ventre rebondit.

Elle était tellement heureuse mais … elle avait tellement faim à cet instant.

Se reposer ? Elle dormait déjà trop souvent, même si elle était fatiguée, elle devait rester éveiller afin de ne pas se transformer en vrai loir. Vincent semblait planer à mille lieux de là, tout comme elle. Lorsqu'il vint s'asseoir à coté d'elle, elle se blottit naturellement dans ses bras, ayant besoin de toute son affection et pendant ces deux mois il avait tout fait pour elle, même supporté ses sautes d'humeur dévastatrice : elle pouvait crier sur lui, lui demander de sortir, la seconde suivante, elle était dans ses bras, l'enlaçant amoureusement. Bref.

Est-ce qu'elle avait besoin de quelque chose ? Neda se pinça les lèvres. Elle avait envie d'un énorme panier rempli à raz bord de cerises et d'autres fruits en tout genre. Elle avait faim … horriblement faim. De frustration, la nymphe poussa un soupir qui était bien plus révélateur qu'elle ne le pensait, puisque Vincent répliqua aussitôt, un sourire au bord des lèvres, qui vexa un peu la futur maman, mais elle ne put s'empêcher de sourire.

- J'aimerai bien t'y voir, grogna-t-elle en lui donnant un petit coup de coude dans les côtes.

Neda regarda la voute céleste avant de se relever en poussant un gémissement, puis elle se mit à arpenter devant la grotte de long en large, faisant les cent pas. Ses doigts pianotaient sur ses lèvres, elle était complètement plongée dans ses pensées.

- Et puis, de toute façon, je vais encore grossir … encore et toujours. Je te l'avais dit ! Pour l'instant, je n'en suis qu'au stade mini-baleine.

Elle prit son ventre à deux mains avant qu'un sourire béat étire ses lèvres et qu'elle ne se remette à planer, le visage dans les nuages.

- Mini-baleine comblée et heureuse.

Elle se remit aux cotés de Vincent, passant une main dans ses cheveux, jouant avec ses mèches. Elle l'embrassa tendrement sur la joue.

- Tout est parfait. Qu'est-ce que je pourrais demander de plus ?

Elle approcha son visage du sien, et alors qu'elle allait l'embrasser, elle se redressa brusquement, le regard pétillant de malice.

- Des pommes. Je veux des pommes.

Elle l'avait prévenu …

Neda lui avait lancé un regard qui n'admettait aucun refus, ainsi Vincent partit la tête basse, comme s'il allait à l'abattoir. Cette attitude la fit sourire alors qu'elle s'installait confortable, mais elle eut tôt fait de se lever à nouveau pour aller mettre les pieds dans l'eau. Peut être que ainsi son enfant n'aura pas peur de cet élément. Que ne ferait pas une mère ? Une demi-heure plus tard, Vincent n'était toujours pas de retour, ce qui l'inquiéta légèrement. Elle avait de plus en plus faim.

Finalement, elle retourna sagement l'attendre dans la grotte, assise par terre, les jambes détendues. Deux mois qu'ils étaient ici, rien que tous les deux. Ils n'avaient jamais passé autant de temps ensemble d'à filé. Et il arrivait à supporter ses sautes d'humeur et ses envies soudaines, Vincent était patient pour l'instant. Elle avait de la chance de l'avoir, beaucoup de chance. Il arriva enfin les bras remplis de pommes, ce qui fit naitre un sourire éclatant sur ses lèvres alors qu'il s'allongeait par terre. Tout en dévorant le fruit, qu'elle finit en moins de temps qu'il ne faut pour dire « ouf », elle le regardait, puis finalement elle éclata d'un rire cristallin à sa réplique.

Au bout d'un moment, elle retourna à ses cotés, posant un baiser sur ses lèvres alors qu'il gardait les yeux clos, ses lèvres devaient avoir un goût sucré à cause du fruit. Puis, sa main glissa sur son front, l'effleurant légèrement avant de passer à l'arrière de sa tête avant de la soulever doucement pour la poser sur ses cuisses.

- Mais ce jour n'est pas encore arrivé.

Elle caressa ses joues, remonta jusqu'à son front, puis ses doigts passèrent dans ses cheveux et glissèrent jusqu'à son bandeau qu'elle retira. Neda posa le morceau de tissu avec soin à coté d'elle avant de reprendre ses caresses, ses mains passaient avec douceur dans ses cheveux, elle jouait avec ses mèches, comme tout à l'heure, mais elle n'était plus obnubilée par sa faim, là était toute la différence.

- Les justiciers continuent à traquer les criminels, ils sont toujours plus nombreux, ils n'hésitent plus à s'aventurer dans les coins les plus reculés.

Elle n'avait cessé de caresser ses cheveux d'ébène, elle aimait leur couleur d'encre, tellement profond.

- J'ai peur qu'il ne te trouve si on reste plus longtemps ici.

Mais où aller ? Neda pourrait toujours allé voir Dyde, il était le plus sage des justiciers. Il l'aiderait peut être. Sinon, elle devra se débrouiller seule, évitant de rencontrer des criminels. Elle irait surement dans la capitale, ce serait l'endroit le plus sûr.

Pincement au cœur, Neda non plus ne voulait pas être séparer de lui, mais … tout était si compliqué. Elle savait parfaitement qu'il saurait se débrouiller, mais tout peut arriver. Elle eut un léger sourire quand il lui fit repenser à cette perle noire qu'il lui avait offert. Une partie de ses pouvoirs. Elle se demandait encore comme elle pourrait l'enclencher, mais elle verrait le moment venu. A vrai dire, elle espérait ne pas s'en servir car cela serait signe de dernier recourt en cas de danger. C'est alors qu'il se redressa, se soustrayant à ses caresses avant d'adopter une position assise, à coté d'elle, l'enlaçant par la même occasion. Cependant, ces derniers mots la touchèrent comme un poignard en plein cœur. Neda releva brusquement la tête pour le regarder dans le blanc des yeux, les traits de son visage tendus par l'indignation.

- Tu ne peux pas me demander ça !

Il n'avait pas le droit. Comment pouvait-elle ne pas réagir si cela devait arriver ? Cependant, son regard et le ton de sa voix était dur, cela faisait un moment qu'elle ne l'avait pas vu aussi ferme, aussi sérieux. Néanmoins, elle répondit à son baiser, d'ailleurs elle se demandait s'il ne l'avait pas embrassé pour la persuader. La nymphe finit par pousser un long soupir.

- J'essaierai ! Dit-elle à contrecœur.

Les promesses sont faites pour être brisées, et puis, elle se connaissait : de un, elle était possessive et protectrice, alors ça n'allait pas arranger les choses. Une sorte de tension s'installa dans la grotte, la tristesse, l'appréhension avait envahi les lieux, mais Neda n'avait pas envie de se laisser submerger. Ils avaient encore le temps, mais il s'écoulait plus vite que prévu, comme les grains de sable d'un sablier se déversant d'un contenant à l'autre.

Le temps, un ennemi perfide qui prenait un malin plaisir à les torturer. Elle ne demandait pas grand chose, juste qu'il soit présent. Encore un effort. Quelques mois suffiront. Neda voulait juste qu'il soit là. Elle avait peur, non pas pour elle, cela faisait longtemps qu'elle ne s'inquiétait plus de son propre sort. Elle avait juste peur de ne plus revoir s'il partait. Il lui fallait oublier ces heures là qui tuaient parfois à coup de pourquoi !

- J'ai comme l'impression que plus on avance, plus le brouillard autour de nous s'épaissit.

Elle poussa un long soupir avant de se remettre sur ses pieds en s'aidant du mur.

- Bon allez ! Ne soyons pas fataliste. Je ne laisserai rien ni personne tout détruire. Je serais prête à tout pour défendre notre avenir.

Tout. C'est pourquoi elle n'était pas sûre de pouvoir tenir la promesse de Vincent. L'instant d'avant, elle était toute calme, et maintenant elle était sur le feu, déterminée. Les femmes enceintes lunatiques ... ce n'est pas de tout repos. Mais bon, elle ne s'énervait pas sur Vincent, pas pour l'instant. Son regard était brulant de détermination, il y avait même une certaine violence. Il ne fallait pas la sous-estimer, le message était clair.

Vraiment. Neda ne releva pas son ton moqueur, elle n'y fit même pas attention. Elle resta silencieuse, le regardant dans les yeux sans rien dire pour lui prouver à quel point elle était sérieuse. Elle le suivit des yeux lorsqu'il se redressa, et lui prit la main, l'emmenant à l'extérieur. Un doux sourire étira ses lèvres, un sourire paisible. Il avait raison, ils devaient profiter de ces instants tant qu'il en était encore temps. La nymphe se blottit confortablement sur ses genoux, elle enfouit sa tête dans le creux de son cou, semblant se cacher sous ses cheveux ébènes. Là, elle ferma les yeux, se laissant aller à une douce rêverie qui emmena toutes ses préoccupation comme le vent emporte les feuilles mortes.

C'est une chanson qui nous ressemble
Toi, tu m'aimais et je t'aimais

Neda se redressa lorsqu'il souffla ces trois mots qui la faisait vibrer à chaque fois. Elle ne souriait pas, son visage était détendu et ses yeux pétillaient. Avec une douce lenteur, elle porta une main à sa joue, puis l'autre avant de l'embrasser avec tendresse, tendresse qui se transforma peu à peu en passion. Voilà sa réponse. Les mots étaient inutiles, son regard parlait pour elle, brulant d'amour rien que pour lui.

Et nous vivions tous deux ensemble
Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais

Elle se sentait bien ici, avec lui. Elle se sentait chez elle, c'était sa maison. Quand elle y pensait, des visions agréables s'imposaient à elle, eux deux et leur enfant vivant pleinement : ils étaient heureux. Mais un tel futur était-il possible ? Elle voulait y croire. Ne pas baisser les bras. Ne jamais abandonner, elle ferait tout pour y arriver. Tout. Cachée sous les cheveux de Vincent, elle ouvrit les yeux, son regard était froid. S'ils attrapaient Vincent, s'il menaçait la vie de son enfant, elle n'hésiterait pas un seul instant. A nouveau, elle ferma les yeux et déposa un baiser son épaule.

Mais la vie sépare ceux qui s'aiment
Tout doucement, sans faire de bruit

Alors que le ciel perdait peu à peu sa couleur d'encre, s'éclaircissant, prêt à accueil l'astre du jour, Neda se redressa en fronçant les sourcils regardant les alentours avec une vive attention. Pourtant tout était calme, était c'était justement ça qui l'inquiétait.

- Tu ne trouves pas que c'est trop calme.

Il n'y avait pas le chant habituel des oiseaux, les animaux semblaient avoir désertés les lieux. On entendait le simple bruit de la cascade, l'eau se déversant lourdement dans la source. Oui, c'était bien cela. L'air était plus pesant, plus menaçant. Neda se leva et avança prudemment en regardant à gauche et à droite, alerte et sur le qui-vive. Elle n'avait jamais sentit une pareille menace dans cet endroit d'habitude si paisible.

Puis, on entendit clairement un cheval approcher, au galop, ses sabots frappant le sol avec légèreté avant d'apparaitre à leur yeux … Ahava. La jument ralentit l'allure avant de s'arrêta en face de Neda, frottant ses naseaux contre sa main. La nymphe eut un petit sourire en flattant son encolure, mais cette impression de danger demeurait toujours.

- On doit partir d'ici !

Et la mer efface sur le sable
Les pas des amants désunis.

Le calme si apaisant était devenu pesant, dangereux. Neda, sans cesser de caresser la jument, fixa la forêt et c'est là qu'elle les sentit. Vincent dut le ressentir lui aussi puisque aussitôt, elle se retrouva encerclée dans ses bras. Ils étaient là ! Elle pouvait sentir leurs regards. Combien ? Elle ne saurait le dire. La nymphe vit alors des taches d'ombre se rassembler autour d'eux et un sentiment de peur l'envahit si bien qu'elle s'accrocha un peu plus à lui. Elle eut juste le temps de voir une flèche filer dans leur direction avant d'être engloutit dans les ténèbres. Cela ne dura que quelques secondes, ils se retrouvèrent un peu plus loin dans les montagnes, hors de leur portée. La flèche n'avait pas atteint sa cible, fort heureusement, et au grand damne du tireur.

Cependant, même ici, Neda ne se sentait pas plus rassurée, non pas à cause de la présence des justiciers, mais par cette impression qui lui tiraillait l'estomac. Il était temps ! Temps pour eux de se séparer après ces quelques mois de tranquillité. Lorsqu'il lui dit qu'il devait s'en aller, elle resta silencieuse. Elle savait que pour leur sécurité il devait partir, elle le savait parfaitement, mais elle sentit tout de même son cœur manquer un battement à cette annonce. Mais il reviendrait ! Il avait promis. Alors pourquoi se sentait-elle aussi triste ? Pourquoi avait-elle peur ? Son front reposait sur son torse tandis qu'elle reniflait légèrement.

- Tu as intérêt ! Sinon je te jure que j'irai te chercher moi-même jusqu'en Enfer !

Elle se blottit un peu plus dans ses bras, pestant contre les justiciers. Pourquoi eux ? Pourquoi maintenant ? Ils n'auraient pas pu attendre quelques mois. Puis, elle prit sa main et l'emmena au bord de la falaise, surplombant tout le flan de la montagne.

- Si tu passes par là, tu pourras les semer. Si tu te dépêches, dans trois jours tu seras dans la forêt.

Cette sombre forêt qu'elle n'appréciait guère sauf quand Vincent était là, cela va de soi. Neda quant à elle partirai de l'autre coté. Elle brouillerait leurs pistes et puis si par malheur ils arrivaient jusqu'à elle, ils ne lui feront rien. Leur relation n'était pas connu de tous … Il n'y avait pas de raison. Mais elle fera tout de même attention.

- Dans trois mois je serais près du lac !

Elle prit alors son visage en coupe et l'embrassa avec ferveur, prolongeant le baiser jusqu'à ce que le souffle lui manque. Elle avait une mauvaise impression que ne la quittait pas, et qui c'était renforcée au fil des mois. Mais elle espérait … éternellement.

Dernier regard. Dernier baiser. Oui, cela sonnait effectivement comme un adieu. Combien de temps se passera-t-il avant qu'ils ne se revoient ? Quelques jours ? Une semaine ? Un mois ? Un an ? Dans tous les cas cela lui semblera être l'éternité. Puis, il disparut, la laissant seule … une larme coula, suivant le contour de sa joue et trouva le chemin de son menton, puis, elle tomba, s'infiltrant dans la terre. Neda ferma les yeux et tenta de se reprendre, et sans le vouloir elle se remémora ce rêve si étrange, si sombre. Pourvu que tout se passe bien ! D'un geste de la main, elle essuya ses larmes et retourna à coté de sa jument.

- A nous de jouer, murmura-t-elle en son oreille.

Ahava se calma en entendant la voix douce de la nymphe, puis, pour l'aider à monter, elle plia les antérieurs et Neda s'installa en amazone, non pas par soucis d'esthétique, mais sa grossesse ne lui permettait pas de faire des folies. Elle prit les rennes en main puis guida la jument dans la direction opposée à celle de Vincent. C'était déjà assez dur de se séparer alors si elle suivait ses traces, et puis ca ne serait pas raisonnable avec les justiciers à ses trousses. La peur au ventre, la future maman prit un autre chemin, prête à quitter les montagnes. Mais où aller ? Neda avait bien une idée, mais rester seule était-il prudent ? Elle ne pouvait plus utiliser ses pouvoirs comme avant et se battre au corps à corps se n'était même pas la peine d'y penser. Qui vivra verra ! De toute façon, elle ne pouvait pas rester ici. Le vent souffla et la nymphe se redressa, aux aguets. Elle avait cru entendre … un sourire naquit sur ses lèvres alors qu'elle jetait un dernier regard en arrière.

- Moi aussi je t'aime.

Sur la route, elle croisa quelques justiciers, mais elle n'eut aucun problème à passer. Son idylle avec Vincent n'était pas connu de tous et heureusement. Ils la laissèrent passer, et maintenant elle devait faire un choix. Plusieurs chemins s'offraient à elle. Finalement, il prit celui des plaines et peut être qu'après elle ferait un tour par la capitale. Qui sait ce que réserve l'avenir !

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